
Dix mois après la sortie du 45 tours isolé Danse moi, Rose Laurens est de retour avec un nouveau titre, Cheyenne. L’échec relatif du single précédent (qui a pourtant connu de très bonnes rotations radio), a probablement retardé l’enregistrement et la sortie du troisième album de la chanteuse, annoncé tout d’abord pour la rentrée 1984, puis reporté.
Alain Puglia, directeur du label Flarenasch et producteur de Rose Laurens, lui réclame à nouveau un titre énergique et dansant. La chanteuse et son compositeur Jean-Pierre Goussaud s’exécutent, en apportant toutefois à la nouvelle chanson un changement radical de direction artistique. Certes Cheyenne sera faite pour danser, mais avec cette fois un son beaucoup plus rock. Son qui déroutera une partie du public : « On nous avait dit à l’époque que ce titre sonnait un peu trop rock. C’était plus un titre de musicos. D’ailleurs, il y avait Basile Leroux qui avait fait un superbe son de guitare à tomber par terre », dira Rose Laurens à Platine en 2001.
Le pari est audacieux, Rose et Jean-Pierre veulent évoluer, et l’on ouvre donc l’univers musical de Rose Laurens à d’autres musiciens, tout en se séparant du parolier des premiers succès, Jean-Michel Bériat. C’est Sylvain Lebel et Claude Lemesle qui prendront sa place, des auteurs qu’elle connaît bien puisqu’ils travaillent avec elle depuis ses débuts. Pour Cheyenne, ils lui concoctent évidemment un texte sur mesure dans lequel la chanteuse se fait la porte-parole des peuples opprimés, une cause qui lui tient à cœur.


Lorsqu’on lui demande si elle est un peu indienne, Rose Laurens répond : « Ni indienne ni gitane, mais tout à la fois, tout en même temps. Parce que je repense toujours à une chanson que j’ai adorée il y a quelques années, qu’interprétait un chanteur et qui disait « je suis de toutes les couleurs », et je trouvais que c’était complètement à l’avant-garde de tout ce qui se passe de merveilleux actuellement, notamment cette prise de conscience du racisme, de l’intolérance. Et moi-même, d’une façon vraiment très très modeste et sans aucune prétention, grâce à mes auteurs et à mon compositeur, nous avons réussi dans chacun des deux albums qu’on a faits jusqu’à maintenant, à parler de choses qui me touchent beaucoup, notamment de l’Afrique, des Cheyennes, qui sont pour moi des symboles de la différence, de l’amour, de tout ce qui est différent de nous et qui m’intéresse profondément » (Rocking Chair, octobre 1985).
Le voyage, le rêve, sont des sujets que Rose Laurens aime exprimer en chanson, pour se sortir du quotidien. Elle explique à la presse jeune : « C’est une chanson qui se déroule un peu comme un rêve, comme un film, et qui correspond à mon besoin de voyager, de m’évader, dans un univers que je ne connais pas encore. L’appel de l’inconnu… J’aime parler des choses qui m’ont amusée, émue, bouleversée. Sans avoir la prétention de dire que je veux apporter un message, j’avais envie, avec Cheyenne, d’aborder un sujet qui me semble très actuel, très brûlant : celui de l’oppression, de l’intolérance. Nous en avons discuté avec les deux auteurs. Pour moi, les Indiens représentaient bien cette image, avec leur recherche de la liberté, leur conception de la vie, leur fierté, la façon aussi qu’ils ont de vouer un culte aux aïeux, aux ancêtres, tout cet amour… Elle me permet de parler, d’une manière détournée, de ce qui me tient à cœur : la liberté, la soif de vie, de bonheur. Je pense que le courant passe mieux, lorsqu’on s’appuie sur des images et une musique qui font rêver ceux qui l’écoutent. »
Comme de coutume, la maquette réalisée par Jean-Pierre Goussaud dans son home studio est déjà très élaborée, et il suffira de la rejouer en studio, avec notamment la fameuse guitare électrique de Basile Leroux, qui insuffle une énergie toute particulière à Cheyenne.
Rose Laurens présentera Cheyenne en exclusivité sur France Inter le 10 mars 1985, en l’annonçant comme extrait du nouvel album. La promotion télé, qui sera importante, démarre en avril et le 45 tours sort dans la foulée. La photo de la pochette est signée du fidèle Didier Buriez. Rose y apparaît très nature, avec une nouvelle coupe, plus courte sur les côtés et sur la nuque, élaborée par son coiffeur Mario. Mais c’était initialement une autre photo qui avait été envisagée pour orner la pochette du disque, une séance commandée aux incontournables Pierre et Gilles. « C’est effectivement à cette époque que j’ai fait une série de photos pour cette pochette avec ces garçons hyper talentueux. Ils m’avaient coiffée, habillée et maquillée de façon très surprenante, et le résultat final n’était pas mal du tout. Ce n’est malheureusement pas moi, mais ma maison de disques qui n’a pas voulu de cette photo pour illustrer ma pochette de disque. Ils pensaient que cela était trop déroutant pour le public. Je trouve vraiment cela dommage… » (Platine, 2001)

En face B du disque on trouve Dis-moi, une ballade dont le texte a été écrit par un auteur arrivé tout récemment dans la sphère de Rose Laurens, Henri Steimen. Un parolier à l’écriture atypique qui séduit la chanteuse et qui a déjà travaillé pour Michel Fugain, Gérard Lenorman ou Mara De Rossi.
Si un vidéoclip est tout d’abord envisagé pour Cheyenne, le tournage n’aura finalement pas lieu, faute de temps. Il faut dire que la promotion est intense, en radio (Rose enregistre notamment une version spéciale de sa chanson pour NRJ, avec un texte différent), mais aussi en télé où Rose est accompagnée de son petit frère Laurent qui s’essaye à la batterie lors des prestations en playback. Il se fait d’ailleurs une belle frayeur en faisant tomber une baguette en direct lors de l’émission Cadence 3, une anecdote dont il s’amusait encore bien des années plus tard. Rose, quant à elle, se présente à cette époque régulièrement avec une veste rose ou bleu pervenche, ainsi qu’avec des mitaines.


Au mois de mai, Cheyenne entre dans le classement des 20 meilleures diffusions des radios périphériques et atteint la 17e place, mais le disque n’entre pas au Top 50. Il recevra un bien meilleur accueil au Québec où il sort également.
En juin, Rose part un mois en tournée avec le Grand podium Europe 1 (qui fête ses 25 ans) avec aussi Marc Lavoine, Les Charlots et Eddy La Viny. Alain Puglia décide d’envoyer Cheyenne à Rimini, en Italie, afin de faire remixer la chanson par l’équipe responsable du récent succès de Jean-Pierre Mader, Macumba. La chanson est donc remixée par Elvio Pieri et Romano Bais avec le concours des ingénieurs du son Mario Flores et M. Fabiu. Une nouvelle version qui se veut plus dansante en faisant notamment passer la guitare électrique à l’arrière-plan. Le remix remplacera la version single originale en 45 tours en juillet, tandis qu’un maxi 45 tours est édité avec une version maxi et un remix dub (« I love Cheyenne »). Des versions inédites comme le Spécial remix et la version extra longue seront commercialisées en 2021 sur le coffret Collection volume 2.
La promotion de Cheyenne se poursuit à la rentrée et Rose annonce qu’elle sera pour la première fois en vedette sur la scène de l’Olympia le 18 novembre. Une date qui sera finalement repoussée à l’année suivante et se dédoublera (les 13 et 14 octobre). En effet, le troisième album est à nouveau reporté et Rose souhaite avoir plus de chansons à proposer que celles de ses deux premiers disques. D’autre part, il est plus judicieux d’annoncer des dates parisiennes avec un récent succès à son actif, ce qui sera heureusement bientôt le cas avec la sortie de Quand tu pars. Finalement, Cheyenne et sa face B seront écartées de l’album Écris ta vie sur moi, qui paraîtra en mai 1986…
(Voir la discographie du single Cheyenne)
