
« Un artiste doit avoir le respect de soi-même et du public ; par conséquent, ne pas faire (c’est-à-dire ne pas chanter) n’importe quoi et surtout être sincère. C’est pourquoi, elle préfère attendre et patiemment chercher des « gens » qui ressentent les choses comme elle », pouvait-on lire sur la biographie de Rose Merryl envoyée aux médias par sa maison de disques Phillips en 1977.
En guise de « gens », c’est précisément Jean-Pierre Goussaud (musicien et arrangeur qui a déjà travaillé avec Marie Laforêt, Gérard Lenorman, Noé Willer ou Nicole Rieu) qui entre dans sa vie en 1976 et avec qui elle bâtira toute la suite de sa carrière.
In Space
Jean-Pierre a en tête une chanson un peu particulière pour laquelle il n’arrive pas à trouver la voix adéquate (des maquettes ont déjà été réalisées avec un chanteur et une chanteuse mais il n’en est pas satisfait) et c’est finalement à Rose qu’il propose de l’interpréter. La jeune femme doit être très éprise pour accepter d’enregistrer ce morceau auquel elle ne croit pas du tout : « Je me souviens qu’en acceptant de faire la voix, je lui ai dit : Tu sais ton truc, ça ne me branche pas des masses… »
In Space est pourtant un morceau étonnant et original. Par son texte d’abord, message d’amour à caractère prophétique d’une humanité qui trouvera la paix, un jour, dans l’espace. On y entend notamment une voix masculine qui en anglais souhaite la bienvenue à un astronaute russe. Quant à sa forme, il s’agit d’un gospel, véritable écrin pour la voix puissante de la chanteuse qui convaincra la maison de disques Phillips de sortir le disque produit par Claude Pascal.



Cosmic Dance, la face B, est un morceau beaucoup plus funk et expérimental sur lequel Rose ne pose cette fois que des vocalises. On peut voir Cosmic Dance comme la suite logique de l’expérience rock progressif de Sandrose, et comme un trait d’union avec la suite de sa carrière.
La chanteuse n’apparaît pas sur la pochette et choisit Rose Merryl comme pseudonyme sur les conseils de son compositeur, un nom qui sonne plus américain pour défendre une chanson interprétée en anglais. In Space sortira en 45 tours en France en 1976 mais également en Espagne, en Italie, puis en Allemagne et au Brésil l’année suivante.
Rose fera ses premières apparitions télé avec In Space, tout d’abord dans Samedi est à vous le 10 juillet 1976, émission présentée par Bernard Golay. Dans les loges, elle croisera Sacha Distel qui la complimentera et lui prédira une belle carrière. Puis ce sera ensuite Les Visiteurs du mercredi sur TF1 le 24 novembre 1976. Vêtue d’une robe, la chanteuse y est resplendissante et gracieuse, arborant un regard et un sourire ravageurs. Patrick Sabatier la comblera d’éloges après une prestation pour laquelle elle s’est montrée à la hauteur.



Si In Space sera un peu diffusé en France (et compilé sur l’album promo réservé aux discothèques Spécial club été 76 volume 2 dans une version écourtée et enchaînée), c’est l’Allemagne qui lui réservera le meilleur accueil. On retrouve d’ailleurs le titre sur la compilation Please Love Me Again en 1977. Le trompettiste autrichien Stoppy Markus reprendra quant à lui la chanson en face B d’un 45 tours en 1977, puis sur son album Nobody Does It Better en 1978, tout comme Rex Brown Company sur la compilation Night Hustle la même année.
Voir la discographie d’In Space.
L’après amour
Pour le disque suivant, Rose Merryl enregistre cette fois deux chansons en français : L’après amour et Le vent se lève, deux compositions de Jean-Pierre Goussaud. Finies les expériences musicales, on se rapproche désormais d’une musique de variété beaucoup plus conventionnelle. L’après amour, au texte de Pierre Cour, est mis en avant par la maison de disques qui prête peu d’attention aux états d’âme de la chanteuse : « J’avais horreur de cette chanson, car je la trouvais un peu cul-cul. Le look de la pochette, c’est un peu Sainte-Thérèse de Lisieux ! La bonne sœur parfaite quoi ! (éclat de rire) »
Le 45 tours enregistré au studio CBE avec le chef d’orchestre et arrangeur Raymond Donnez est commercialisé fin 1976 et Rose en assure la promotion, notamment sur Europe 1 où elle est l’invitée d’une émission consacrée à Nicole Croisille. Lui prédisant un très bel avenir en tant qu’artiste, celle-ci dira d’elle qu’elle est : « aussi belle qu’elle interprète divinement bien ». Le 27 décembre, Rose est dans Music Hall sur Antenne 2 où elle interprète L’après amour vêtue d’une robe rose.
Rose enregistrera également L’après amour en anglais (qui devient alors After We Love) ; deux versions légèrement différentes dans l’orchestration existent mais restent à ce jour inédites. La version française est éditée sur une compilation promotionnelle RTL Hit-parade des jeunes vedettes.



La face B de ce 45 tours, Le vent se lève, connaîtra un meilleur destin. Le texte en est signé par Pierre Delanoë (qui disait avoir plus de mal à écrire pour un tel timbre de voix, beaucoup plus anglo-saxon). La ballade vocale est préférée par les médias et sélectionnée pour représenter la France au Yamaha Music Festival en novembre 1976. Rose s’envole pour Tokyo avec son chef d’orchestre mais sans Jean-Pierre Goussaud, le coût du voyage étant très élevé. Plusieurs artistes représentent la France cette année-là (Catherine Ferry, Caroline Verdi et Gérard Lenorman) et Rose, vêtue d’une robe dos nu et coiffée d’un chignon, passe en 23e position et décroche une jolie 3e place sur un total de 46 participants (c’est l’Italie et le Japon qui remporteront la compétition).
De retour en France, elle est à nouveau dans Music-Hall le 23 janvier 1977 où elle interprète une reprise de Feelings, le tube de Morris Albert. Puis elle est dans Basket, émission de Jean-Loup Lafont sur Europe 1 le 15 février. Elle chante toujours en direct, un véritable atout pour asseoir sa crédibilité au regard de ses pairs. Notons qu’il existe deux autres versions du Vent se lève : une à l’orgue et une au piano et clavecin, toujours inédites.
Voir la discographie de L’après amour.
Je suis à toi
Troisième et dernier 45 tours pour Rose Merryl, Je suis à toi couplé à Copacabana sort en 1977. La première des deux chansons est enregistrée l’après-midi du 6 juillet au studio Johanna à Bagnolet. La composition est bien sûr de Jean-Pierre Goussaud tandis que le texte est co-signé par Claude Lemesle et Sylvain Lebel. Ce slow langoureux est encore une fois l’occasion pour la jeune artiste de mettre en avant ses capacités et son étendue vocale, toujours au service de la mélodie.


La face B, Copacabana, est enregistrée le matin du 9 juillet et l’on doit le texte au comédien et chanteur Jean-Claude Massoulier. On change ici d’univers puisqu’il s’agit d’un disco (un an avant que Barry Manilow ne fasse un tube d’un morceau homonyme). Et même si ces deux chansons sont de bonne facture, Rose se cherche encore et ne tardera pas à renaître sous une nouvelle identité.
Pour la chanteuse, ces années Rose Merryl ne sont en effet qu’un prélude : « Pour moi, ma vie d’artiste n’avait pas commencé, on essayait juste des trucs et cela ne prêtait pas à conséquences… C’était comme des maquettes », dira-t-elle.
Le rédacteur de sa biographie Phillips concluait ainsi : « Il lui reste beaucoup à apprendre et elle le sait, mais elle a aussi une stature internationale. » Il ne croyait pas si bien dire…
Voir la discographie de Je suis à toi.
Citations extraites de l’interview de Rose Laurens par Jean-Marc D’angio parue dans le n°88 de Platine en février 2002.