
Cinq ans après la disparition de Rose Laurens, nous continuons à explorer les archives de la chanteuse et à vous faire découvrir des inédits qui, s’ils ne sont souvent que des maquettes, nous semblent dignes d’intérêt pour qui s’intéresse au répertoire (trop sous-estimé) de l’artiste et de son compositeur Jean-Pierre Goussaud. Voici un aperçu de ce que vous trouverez dans les 16 titres que nous avons rassemblés sous le nom de Real Love.
Real Love
Real Love était une chanson que Rose Laurens avait dans ses tiroirs depuis longtemps. Une mélodie composée par Jean-Pierre Goussaud qui lui tenait à cœur et dont elle avait envie de faire quelque chose. Nous en avons retrouvé une maquette en « yahourt » intitulée Star, puis une autre intitulée People from Ibiza. Un premier texte, semble-t-il, a été maquetté en 1993 avec pour titre Terra di Ibiza. Mais Rose ne semblait ni satisfaite de ce texte ni de son orchestration, et elle confia le morceau a son amie Carole Fredericks, en lui demandant si elle accepterait d’écrire un texte en anglais. Américaine débarquée en France en 1979, Carole fait la connaissance de Rose en 1989, peu de temps après que Jean-Jacques Goldman lui ait écrit le texte de L’Absence pour l’album J’te prêterai jamais. Rose Laurens était fascinée par les grandes voix black, depuis que son père l’avait amenée toute jeune voir son premier concert à l’Olympia où se produisait Dionne Warwick. L’admiration est réciproque entre Rose et Carole qui deviennent amies (« Carole était vraiment un être d’une douceur, d’une simplicité… rare. », dira Rose), et Carole ne tarde pas à envoyer une cassette sur laquelle elle chante le texte de Real Love. Rose est totalement séduite et décide d’enregistrer la chanson aux Twin Studios à Paris. Une première session a lieu le 10 janvier 1999, mais la prise de ne semble pas la satisfaire voix (la tonalité est plus haute que sur la version finale). Elle y retourne donc le 14 mars, cette fois en compagnie de Carole qui enregistre des chœurs, mais également avec l’ingénieur du son anglais Steve Prestage installé en France, qui a travaillé avec Pow Wow, Desireless, Ophélie Winter, Peter Gabriel, Jean-Louis Murat… Cette fois-ci Rose est satisfaite et prévoit de sortir Real Love en single, un titre dance, OVNI de son répertoire comme elle se plaisait à le dire. Elle l’annoncera en exclusivité au magazine Tribu Move et en parlera également au magazine Platine lors de son interview en 2002. Une sortie à l’international est envisagée (Allemagne, Espagne, Royaume-Uni, Canada, Suisse…) et une maquette de pochette est réalisée. Mais au même moment, Rose est appelée à se consacrer à un autre projet, la comédie musicale L’Ombre d’un géant de François Valéry. Voyant qu’elle n’aura pas le temps d’assurer la promotion de Real Love, elle en annule la sortie. Dommage pour cette chanson qu’elle aimait beaucoup et qui était à l’opposé des deux autres projets qu’elle avait en préparation (l’album ADN ainsi qu’un album de chansons traditionnelles des pays de l’est).



Autoportrait
Sur une musique un peu gospel au piano composée par Jean-Pierre Goussaud, Rose enregistre cet Autoportrait en 1978, avant son arrivée chez Warner en 1979. Est-ce véritablement un portrait de la jeune chanteuse que dresse Gilles de Loonois de sa plume toujours précise et délicate ? On y découvre en tout cas l’image d’une jeune femme un peu bohème qui se plaît à évoluer dans un décor quelque peu suranné. Les refrains permettent à Rose quelques envolées vocales amusantes qui font de cet Autoportrait une chanson légère et joyeuse.

Toi, l’amour
Superbe ballade enregistrée après la période où elle s’essaye à des chansons avec Alice Dona, Claude Lemesle et Serge Lama, Toi, l’amour suit de peu la rencontre de Rose avec le compositeur Jean-Pierre Goussaud qui en signe la musique. De la même période, on connaît déjà Maintenant (sur Chaleur humaine) et Où va le temps (sur l’album du même nom), mais cette fois c’est Rose elle-même qui s’essaye à un texte dans lequel, déjà déçue de l’amour, elle se surprend à aimer de nouveau, et implore l’amour de ne plus la quitter. La mélodie n’est pas sans rappeler quelque peu le standard Plaisir d’amour.
Cet homme est dangereux
C’est un cowboy tout droit sorti d’un western dont il faut se méfier ici. Cet homme est dangereux car il est irrésistible et a visiblement pour habitude d’obtenir tout ce qu’il veut, notamment les faveurs des dames… On vous laisse découvrir le texte de Gilles de Loonois, qui est, à ce sujet-là, assez évocateur. Chanson de 1978, dans la même veine que Pas de liberté surveillée et Vieux routier (Où va le temps) enregistrées à la même période, avec un petit côté rhythm and blues qui va si bien à la chanteuse. On note que toute une partie du texte original a été supprimée (voir ci-dessous).




Dis-moi ce qu’il faut faire
Ballade claviers/voix composée par Jean-Pierre Goussaud. Dans le texte que signe la chanteuse, il semblerait qu’à ses moments de doutes et de questionnements, elle cherche à s’en remettre à une puissance divine à qui elle demande conseil. Quelqu’un qui guiderait ses pas et ses choix sur terre, quelqu’un de cher qui a disparu (son père peut-être ?). « Je suis sur terre pour t’écouter », chante-t-elle.
Élysées shopping
Une chanson amusante et frivole enregistrée en 1978. Gilles de Loonois, auteur du texte, y traite de de cette étrange activité qu’est le shopping, qu’il compare durant toute la chanson à un safari ! Un texte malicieux et un brin moqueur qu’il n’hésite pas à modifier selon, on l’imagine, les retours de la chanteuse. On note que le texte s’appelle d’abord Élysées-party avant de devenir finalement Élysées shopping. On retrouve dans les chœurs Jean-Pierre Goussaud.

On part un beau matin
« On part un beau matin, mais prend-on le bon train ? » se demande Rose sur cette courte chanson mélodieuse dont elle a écrit le texte. Fait-on les bons choix lorsque plusieurs chemins se présentent à nous ? C’est une question universelle. Rose, elle, a « pris la route des musiciens ». Un autre texte intitulé Vous a été écrit pour cette chanson et a également été enregistré.
Pas pour toujours, pas pour longtemps
Encore un joli slow dont Rose signe le texte, Pas pour toujours, pas pour longtemps (également intitulé Viens moi), semble être une nouvelle déclaration à son compositeur de compagnon (« Toute seule j’arrive pas à faire chanter ce piano »). C’est une chanson qui nous plaît beaucoup tant l’interprétation de Rose paraît authentique et sincère. Il en existe une autre version encore inédite.


Ainsi soit-elle
Sur une musique entraînante qui n’est pas sans rappeler Caricature que l’on découvrait récemment sur l’album Où va le temps, Ainsi soit-elle offre un texte du même auteur, Henry Steimen. Toujours un brin caustique, l’auteur aime à observer ses contemporains pour en croquer les comportements et en dénoncer gentiment les travers ou les contradictions. Ainsi soit-elle a été écrite après l’Ainsi soit-il de Louis Chedid et avant l’Ainsi soit je… de Mylène Farmer, et l’on retrouve Jean-Pierre Goussaud aux chœurs.
Laisse entrer mon amour
Autre déclaration d’amour sans réserve, Laisse entrer mon amour a quelques points communs avec une chanson qui, elle, a fait partie d’un album, Déraisonnable. Outre l’ambiance musicale qui nous semble être assez similaire, on retrouve dans le texte que signe son interprète, l’idée de l’amour fou et insensé, où l’envie de donner sans rien attendre en retour est plus forte que tout. C’est une chanson poignante, qui n’est pas sans raison l’une des préférées de la maman de Rose. Le même texte existe également sur une musique complètement différente.
Tumbapalea
De parenté musicale avec Djaganero, un autre inédit découvert sur l’album Chaleur humaine en 2022, Tumbapalea nous propose un thème très différent puisqu’il est question ici d’un couple vraisemblablement africain. Deux êtres unis par la musique et un mystérieux « mot prophétique », mais on se doute qu’ici l’amour n’est pas chose aisée car le « temps nouveau qui s’éveille » doit faire face à des « fous fanatiques ». Ce titre entêtant et rythmé nous rappelle d’autres évocations africaines qu’on retrouve dans le répertoire de la chanteuse : Africa bien entendu, mais aussi La Négresse blanche ou encore Musique métisse (un titre encore inédit).

Oublié
Nous sommes en Afrique à nouveau avec cette chanson qui évoque sans détour le destin de Nelson Mandela, emprisonné pendant vingt-sept ans après avoir lutté contre l’apartheid en Afrique du Sud, et finalement libéré le 11 février 1990. La chanteuse y évoque notamment le fameux concert hommage à Wembley en juin 1988 (« Les artistes du monde entier le protégeait ») mais rappelle aussi que le prisonnier a pendant longtemps été « oublié ». On le sait, la lutte contre toutes les formes d’injustice était l’un des thèmes de prédilection de Rose, et il était normal qu’elle soit touchée par le destin de cet homme courageux au point de lui inspirer le texte d’une chanso
Tous les hommes
En 4027, la Terre est dévastée, et les êtres qui débarquent sur notre planète trouvent sur un morceau de parchemin un étrange message : « Tous les hommes sont égaux ». Après avoir évoqué la rencontre avec des extraterrestres dans Conversation et annoncé la fin de l’humanité dans L’Homme, c’est une nouvelle chanson sur le thème de la science-fiction que nous offre Rose Laurens avec Tous les hommes. Il semblerait que la violence et les discriminations aient eu raison de notre espèce, emportant avec elle les notions de rêve et d’amour. Sur la maquette que l’on a découverte, ce titre était nommé Gaego, comme le refrain entêtant de cette chanson qui scande le même message à l’infini : « Tous les hommes sont égaégo ». Une jolie trouvaille qui transforme La Déclaration universelle des droits de l’homme en hymne musical et encore un titre à fort potentiel qui sera resté inexploité. À nouveau Jean-Pierre Goussaud assure les chœurs.

Angie
À 10 ans, le monde des adultes peut paraître bien étrange. C’est le portrait d’une petite fille qui s’isole et semble vouloir fuir une réalité qui la déçoit en s’évadant par le rêve que dresse ici Rose avec ce texte signé de sa plume. Angie est à l’âge où l’on a déjà envie de devenir adulte afin de pouvoir mener sa vie comme on l’entend. En observatrice des êtres qui l’entouraient, Rose a-t-elle pensé à quelqu’un de sa connaissance en écrivant ce texte ? « On devrait écouter le cœur des enfants plus souvent » est la conclusion qu’elle semble en tirer. Notons qu’il existerait une autre version de cette chanson, et qu’elle est parfois nommée Angèle sur les bandes et Angel sur la maquette.
Laotienne
Si Rose nous avait déjà emmené en Asie avec Mamy Yoko, nous voici avec cette chanson au Laos où c’est à nouveau un personnage féminin qui est à l’honneur. Mais ici, il s’agit d’une femme exilée à Paris et qui se remémore avec nostalgie ses années passées au pays des hauts plateaux où elle a connu de nombreuses joies mais aussi les bombardements. Ce titre a bénéficié de nombreuses versions avec d’autres textes (La Chine, Écris à l’encre de chine, Ballerina… ).
L’Aventure
Chanson écrite par Pierre Delanoë et Jean-Michel Bériat sur une musique de Jean-Pierre Goussaud, L’Aventure était destinée au groupe La bande à Basile qui en fait un 45 tours chez Vogue en 1981 sous le titre Cécile et Rebecca (L’Aventure). Mais avant cela, c’est Rose Laurens qui en enregistre la maquette ! L’Aventure est un hymne féministe en hommage au courage des femmes de la Révolution française (en comparaison à l’aventure d’aujourd’hui qui se résume à jeter un œil sur nos écrans de télévision). Un titre enjoué qui aurait eu sa place dans une comédie musicale, mais qui ne connaîtra pas le succès.


